Que faire en cas de travaux non déclarés par l’ancien propriétaire ?
Vous avez un projet d’achat d’une maison ? Vous avez peut-être déjà acheté le bien et à votre surprise, vous avez aussi acheté des soucis ! En effet, cela peut arriver quand le bien acheté présente des travaux non déclarés par l’ancien propriétaire.
Le droit de l’urbanisme est assez prolixe en France. On peut comprendre que pour certains français les autorisations d’urbanisme soient un sujet méconnu ou peu accessible. Néanmoins, déclarer ses travaux fait partie des obligations encadrées par la loi avec des sanctions à la clef. Surtout si vous comptez vendre votre bien.
Pour en savoir plus : « Quels sont les risques en cas de travaux non déclarés ?«
Hélas, la méconnaissance des règles n’exonère pas des sanctions. Et quand bien même, le responsable de la déclaration des travaux n’est pas vous, mais l’ancien propriétaire, c’est vous qui en subirez les conséquences. Nous verrons dans cet article pourquoi.
Le point sur les autorisations d’urbanisme
Quels travaux déclarer et quel type d’autorisation demander ?
Tout d’abord, sachez que tous les travaux ne sont pas soumis aux autorisations d’urbanisme. Cela dépendra de l’ampleur, de la localisation et des règles d’urbanisme locales. De ce fait, il est d’abord nécessaire d’établir si les travaux effectués par l’ancien propriétaire sont bel et bien soumis à déclaration.
Si c’est le cas, il faudrait soit une déclaration préalable (DP) soit un permis de construire (PC). Il existe aussi les permis d’aménager et de démolir, mais nous nous concentrerons sur les DP et PC.
Il faut retenir que les travaux réalisés par l’ancien propriétaire ne nécessitent pas de déclaration s’il s’agit de :
- La création jusqu’à 5 m² de surface de plancher ou d’emprise au sol, et jusqu’à 12 m de hauteur. Sachez que transformer un garage en salon, par exemple, entraîne la création de surface de plancher. Donc, il faut une déclaration préalable à minima.
- D’une terrasse de plein pied.
- Du remplacement des portes, fenêtres ou autres ouvertures par des modèles identiques à l’initial.
- D’une piscine de moins de 10 m².
- Des travaux qui n’entrainent pas une modification de façade ni de la structure porteuse.
- D’un mur de clôture de moins de 2 m de hauteur.
Pour connaitre la liste exhaustive des constructions non soumises à déclaration : Code de l’urbanisme.
Attention ! Si votre bien se trouve en secteur ABF – Architecte des bâtiments de France, les règles se corsent. Donc, il est fort probable que les travaux non déclarés par l’ancien propriétaire soient effectivement illégaux.
Bon à savoir. Comprendre le Code de l’urbanisme peut s’avérer une tâche complexe ! Alors, comment savoir si votre projet demande une déclaration de travaux ? Urbassist vous propose un simulateur gratuit, qui vous indique rapidement quelle autorisation demander selon votre projet.
Qui a la responsabilité de réaliser la déclaration de travaux ?
Le Code de l’urbanisme, dans l’article R*423-1 précise que les personnes autorisées à demander une autorisation d’urbanisme sont :
- le ou les propriétaires du ou des terrains, leur mandataire ou par une ou plusieurs personnes attestant être autorisées par eux à exécuter les travaux ;
- en cas d’indivision, un ou plusieurs co-indivisaires ou leur mandataire ;
- une personne ayant qualité pour bénéficier de l’expropriation pour cause d’utilité publique.
Bon à savoir. Dans cet ordre d’idées, si vous n’avez pas encore signé le compromis de vente, c’est au propriétaire de régulariser les travaux. Au contraire, si vous êtes officiellement le propriétaire du bien, alors cette responsabilité vous revient.
Pour illustrer nos propos voici ce que dit la jurisprudence sur un cas de travaux non déclarés par l’ancien propriétaire :
« Lorsqu’une construction a été édifiée sans autorisation en méconnaissance des prescriptions légales alors applicables, il appartient au propriétaire qui envisage d’y faire de nouveaux travaux de présenter une demande d’autorisation d’urbanisme portant sur l’ensemble du bâtiment. »
De même, lorsqu’une construction a été édifiée sans respecter la déclaration préalable déposée ou le permis de construire obtenu ou a fait l’objet de transformations sans les autorisations d’urbanisme requises, il appartient au propriétaire qui envisage d’y faire de nouveaux travaux de présenter une demande d’autorisation d’urbanisme portant sur l’ensemble des éléments de la construction qui ont eu ou auront pour effet de modifier le bâtiment tel qu’il avait été initialement approuvé.
Il en va ainsi même dans le cas où les éléments de construction résultant de ces travaux ne prennent pas directement appui sur une partie de l’édifice réalisée sans autorisation. » CE 1° et 4° ch.r, 06 octobre 2021, n° 442182, publié au recueil Lebon
Quels risques encourus en cas des travaux non déclarés par l’ancien propriétaire ?
Mise en conformité ou démolition
D’après les éléments présentés ci-dessus, si vous souhaitez effectuer des travaux dans votre nouvelle maison, vous devrez déclarer l’ensemble des travaux : les vôtres mais aussi ceux non déclarés par l’ancien propriétaire. En fait, il s’agit d’une régularisation. Nous en parlerons par la suite.
Cependant en fonction des particularités de votre cas, il est probable que la mairie refuse l’autorisation et même la régularisation. Dans ce cas, le risque réel est que la commune invoque l’article L480-14 du Code de l’urbanisme. Cet article indique que :
La commune ou l’établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de plan local d’urbanisme peut saisir le tribunal judiciaire en vue de faire ordonner la démolition ou la mise en conformité d’un ouvrage édifié ou installé sans l’autorisation exigée par le présent livre, en méconnaissance de cette autorisation ou, pour les aménagements, installations et travaux dispensés de toute formalité au titre du présent code, en violation de l’article L. 421-8. L’action civile se prescrit en pareil cas par dix ans à compter de l’achèvement des travaux.
Bon à savoir. Il n’y a pas que la mairie qui peut saisir le tribunal. Un tiers peut aussi le faire s’il démontre qu’il subit un préjudice direct.
Refus d’autorisation après expiration du délai de prescription
L’article mentionné ci-avant introduit la notion de prescription de la responsabilité civile. En effet, après 10 ans de l’achèvement des travaux, vous ne risquez plus grande chose. Selon le Code de l’urbanisme :
Lorsqu’une construction est achevée depuis plus de dix ans, le refus de permis de construire ou la décision d’opposition à déclaration préalable ne peut être fondé sur l’irrégularité de la construction initiale au regard du droit de l’urbanisme.
Autrement dit, la mairie ne pourra pas vous refuser l’autorisation sous prétexte qu’il existe des travaux non déclarés. En revanche, l’article L421-9 exprime aussi les cas exceptionnels qui permettraient à la commune de vous refuser l’autorisation pour effectuer des nouveaux travaux. Ainsi :
- 1° Lorsque la construction est de nature, par sa situation, à exposer ses usagers ou des tiers à un risque de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente ;
- 2° Lorsqu’une action en démolition a été engagée ;
- 3° Lorsque la construction est située dans un parc national ou dans un site classé ;
- 4° Lorsque la construction est située sur le domaine public ;
- 5° Lorsque la construction a été réalisée sans qu’aucun permis de construire n’ait été obtenu alors que celui-ci était requis ;
- 6° Dans les zones mentionnées au 1° du II de l’article L. 562-1 du code de l’environnement ;
- 7° Lorsque la construction a été réalisée sans consignation de la somme prescrite par l’autorisation d’urbanisme.
Par conséquent, on déduit que même après prescription, selon votre cas, les risques de refus de votre autorisation seront très présents.
Au-delà de l’illégalité, il faut envisager la possibilité que ces travaux ne soient plus en conformité avec les règles d’urbanisme en vigueur. Dans ce cas, sa régularisation serait inenvisageable. Voyons maintenant les raisons.
Refus d’autorisation par cause de non-conformité
Effectivement, l’autorité compétente ne vous donnera pas son accord pour réaliser des travaux qui ne sont pas en phase avec les règles d’urbanisme. Nous parlons des règles locales. Donc, d’un Plan local d’urbanisme ou d’un Plan de sauvegarde et de mise en valeur, par exemple. Mais aussi du règlement National d’urbanisme – RNU. La démolition de la construction, dans ce cas de figure, pourrait s’avérer inévitable.
A cet égard, le Code de l’urbanisme exprime :
- Le permis de construire ou d’aménager ne peut être accordé que si les travaux projetés sont conformes aux dispositions législatives et réglementaires relatives à l’utilisation des sols, à l’implantation, la destination, la nature, l’architecture, les dimensions, l’assainissement des constructions et à l’aménagement de leurs abords et s’ils ne sont pas incompatibles avec une déclaration d’utilité publique.
Le permis de démolir peut être refusé ou n’être accordé que sous réserve de l’observation de prescriptions spéciales si les travaux envisagés sont de nature à compromettre la protection ou la mise en valeur du patrimoine bâti ou non bâti, du patrimoine archéologique, des quartiers, des monuments et des sites. (Article L421-6) - Lorsque les constructions, aménagements, installations et travaux font l’objet d’une déclaration préalable, l’autorité compétente doit s’opposer à leur exécution ou imposer des prescriptions lorsque les conditions prévues à l’article L. 421-6 ne sont pas réunies. (Article L421-7)
De ce point de vue, nous vous invitons à prendre connaissance de vos documents d’urbanisme. Vous pouvez aussi demander un certificat d’urbanisme afin de connaître les règles qui s’appliquent à la parcelle. Et ce, même avant d’acheter le bien. En effet, toute personne peut demander un renseignement d’urbanisme.
Préparer mon dossier de certificat d’urbanisme opérationnel
Refus du droit de reconstruction à l’identique
En France, vous avez l’autorisation de reconstruire à l’identique un bâtiment démoli ou détruit. En cas de catastrophe naturelle, par exemple, vous pouvez invoquer l’article L111-15 du Code de l’urbanisme pour reconstruire votre maison. Néanmoins, ce droit a bien sûr ces limites. Comme vous l’imaginez, il faut que la maison soit une construction régulière, autrement dit, légale.
Enfin, nous allons finir cet article avec quelques recommandations à suivre pour éviter des mauvaises surprises liées à la déclaration de travaux.
Que faire en cas des travaux non déclarés par l’ancien propriétaire ?
Vérifier la prescription
Comme nous l’avons déjà mentionné, les actions civiles prescrivent dix ans après l’achèvement des travaux. Néanmoins, sans déclaration de travaux il est possible que l’ancien propriétaire n’ait pas effectué non plus la déclaration d’achèvement et conformité des travaux – DAACT.
Ainsi, et même avant d’acheter une maison, demandez à l’ancien propriétaire toutes les informations concernant les travaux réalisés. Demandez-lui de vous apporter une copie de la DAACT. Cependant, ayez en tête que si ces travaux nécessitaient initialement d’un permis de construire, la prescription ne jouera pas.
Si vous ne pouvez pas démontrer la prescription des faits, il vous restera la possibilité de régulariser les travaux.
Pour en savoir plus : « Prescription et régularisation des travaux non déclarés«
Adresser une demande de régularisation
On vous le rappelle, il est possible de régulariser les travaux. Cependant, ces travaux doivent être conformes aux règles locales en vigueur. Si les travaux sont conformes, alors vous aurez l’autorisation. Autrement, il est possible que la mairie vous refuse l’autorisation ou vous ordonne la mise en conformité. Le pire scénario serait néanmoins la démolition.
Pour régulariser les travaux, il suffit de présenter un dossier en plusieurs exemplaires à votre mairie. Ce dossier contient les plans et le Cerfa expliquant les travaux à régulariser. Il n’y a pas de formulaire spécifique à la régularisation, c’est pourquoi, vous devez préciser ce point dans la description du projet ou la notice descriptive.
Bon à savoir. Depuis le 1er janvier 2022, les mairies sont tenues d’accepter le dépôt du dossier par voie dématérialisée. C’est-à-dire, concrètement, que vous pouvez envoyer votre dossier par email ou le transmettre via un service dédié en ligne. Cela dépendra du système qu’utilise votre mairie. Pensez à vous renseigner !
Vous pouvez aussi décider d’envoyer votre dossier par courrier recommandé avec accusé de réception.
Sachez que Urbassist est une plateforme qui vous permet de réaliser votre dossier de manière rapide et simple.
Préparer mon dossier avec Urbassist
Responsabiliser le vendeur
Au moment d’acheter une maison, n’oubliez pas de vérifier les informations consignées dans l’acte de vente, elles doivent correspondre à la réalité. Une incohérence à ce sujet pourrait cacher des travaux non déclarés. Si le vendeur ne vous informe pas sur tous ces éléments, alors vous pourrez le poursuivre pour vice caché. Consultez l’article 1641 du Code civil pour avoir le support juridique.
Pour finir, nous vous conseillons de bien vous informer sur vos droits et de vous entourer des professionnels. Votre notaire et/ou votre agent immobilier doivent pouvoir vous donner des réponses à ce sujet.
Si ce n’est pas le cas, posez-vous des questions. Un achat de ce type peut vous entraîner des problèmes qui risquent de vous poursuivre très longtemps. Rien que pour vous illustrer nos propos, lisez ce cas résolu en Cour de cassation en juin 2021 pour une vente avec vice caché donc, des travaux illégaux datant de 1980.